Les portes roses du pénitencier

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Le baiser de la femme-araignée
de Manuel Puig

1986 Chirac reçoit Madonna en jeans pour rajeunir son électorat – imaginez Sarkozy à Disneyland, vous aurez une idée du ridicule atteint.
1986 Le sida qui est baptisé VIH.
1986 La communauté homosexuelle qui est stigmatisée et liée dans l’imaginaire collectif au VIH.
1986, c’est aussi l’année de l’édition en poche du Baiser de la femme-araignée dont l’adaptation cinématographique est sortie l’année précédente, en 1985. Beaucoup connaissent le film qui valut à William Hurt l’Oscar du meilleur acteur ainsi que le Prix d’interprétation masculine à Cannes. Moins nombreux ont été les lecteurs du roman de Manuel Puig publié en France en 1979.
En cette année 1986, les éditions du Seuil ont choisi d’orner leur édition de poche de la superbe photo que Bettina Rheims a produite pour l’affiche du film.
L’essentiel du travail de l’éditeur est ailleurs dans ce roman.
Nous sommes en 1986, l’un des personnages du roman est homosexuel, l’homosexualité est un sujet de curiosité pour le public. L’éditeur profite de cet intérêt pour transformer le roman en recueil de notes sur les théories psychanalytiques liées à l’homosexualité. Le texte est ainsi parfois cannibalisé -comme dans la double-page ci-contre- par des commentaires qui n’ont de lien ni avec la trame narrative, ni avec la psychologie des personnages.
Les différentes interprétations de Freud et de ses disciples nous sont détaillées, mais à aucun moment ces notes ne viennent éclairer le texte. Ces notes de bas de page pourraient d’ailleurs être isolées et former un ensemble indépendant. Ne s’agit-il pas justement d’une telle récupération de la part de l’éditeur : un essai trop court qui vient s’échouer dans les notes de bas de page d’un roman ?
S’il avait fallu éclairer le texte, l’éditeur aurait dû s’attarder aux références cinématographiques et aux Mille et une nuits. Des nuits en prison dont il faut combler le silence et les douleurs dans les mots, dans les histoires. Le danger n’est plus de ne pas revoir le jour, mais d’entendre les confessions du compagnon de cellule. Il faut donc parler, raconter des films, s’évader par l’esprit et s’éloigner du plus grand danger : ces corps d’hommes qui pourraient se rapprocher.
Le succès du film aidant, le texte -son huis-clos l’y prédisposait- a également été adapté au théâtre.

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