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L’homme blanc et Au royaume de Siam de Philippe Dossal

Mais que diable allait-il faire dans cette galère ? Quelle sombre raison a poussé Philippe Dossal à s’enfoncer dans ces contrées hostiles, privé de téléphone et d’internet haut-débit ? l’envie de changer d’air ? de partir sur les traces d’aventuriers d’antan ? mieux goûter au plaisir de lire Proust à l’autre bout du monde ? guider les pas d’un fils à la découverte de continents inconnus ?

C’est un peu toutes ces raisons qui semblent l’avoir conduit autour du globe. En Afrique dans L’homme blanc ou en Asie dans Au royaume de Siam le voyage commence et s’achève avec une carte, la même que dans le Marco Polo de notre enfance, la carte qui nous donnait à voir les étapes que nous franchirions avec l’aventurier.

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De tous ces kilomètres parcourus dans des « bus en béton », l’auteur ne tire pourtant aucune gloire. L’homme blanc n’est pas le récit d’un aventurier revenu de tout, avec de lourdes leçons de vie sentencieuses auxquelles le lecteur devrait se soumettre. Non, l’humilité et la simplicité sont juste assez présentes pour embarquer avec lui dans l’aventure et partager son étonnement devant ce poulet qu’on va égorger dans l’arrière-cuisine sitôt le plat commandé ou sa frayeur sur les routes de Nairobi dans une Toyota surchargée pour laquelle l’expression « place du mort » semble avoir été créée.

Pour autant l’auteur de ces récits ne cherche pas l’aventure pour l’aventure. On prend le temps de se poser au bord d’un lac, d’observer avec sympathie les us et coutumes de peuples qui nous entourent. Une séance chez le coiffeur ou dans la file d’attente d’un guichet sont autant de sources d’étonnement sous le regard cocasse du journaliste, jamais très loin.

C’est le journaliste qui scrute et c’est l’écrivain-voyageur qui part sur les traces de ses glorieux prédécesseurs. Philippe Dossal suit parfois le chemin de Livingstone en Afrique, tout en se plongeant dans l’œuvre de Yourcenar : l’art du contrepoint. Sur la route des aventuriers et sur la trace des écrivains, l’auteur se fraye son chemin, s’inspire autant de l’esprit des lieux que des œuvres, passagères clandestines de l’aventure (Yourcenar, puis Proust ont trouvé refuge au fond du sac à dos).

Si lire l’autre revient toujours à se définir soi, Philippe Dossal nous montre que suivre la route des explorateurs c’est aussi chercher sa propre route, sa propre aventure.

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Dans Au royaume de Siam cette aventure se partage avec un autre passager : son fils. La perspective change, Ulysse se transforme en Mentor. L’aventurier se fait protecteur pour guider le jeune européen né sur un continent qui ignore tout des postes frontières.

L’œuvre de Proust, qui faisait partie du voyage, s’achève sur la réponse à l’interrogation du narrateur « suis-je devenu écrivain ? ». Philippe Dossal lui fait écho mais son regard se tourne tendrement vers le fils, Éloi, qu’il a vu grandir en sa compagnie : « suis-je devenu père ? »

Ces pérégrinations auront-elles finalement révélé un père Gaston Lagaffe arborant une chemise rouge pour sa glorieuse arrivée au Cambodge ou Tintin reporter sauvant son fils des tumultes d’un fleuve ?

photos : Etta Dam, Éditions du Petit Véhicule

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