La presse est morte ! Vive la presse !

La presse française vit dans la nostalgie de ces années 60 où le secteur représentait encore 1% du PIB. Aujourd’hui qu’il peine à afficher un timide 0,5%, les journaux n’ont plus qu’à s’accrocher aux avantages acquis (TVA de 2,1%, portage, …). Le Huffington Post, comme d’autres journaux en ligne, annoncent (quand elles ne s’en réjouissent pas) la mort de la presse papier (Presse écrite : des quotidiens à l’article de la mort). Mais si la presse papier souffre de la crise, la presse en ligne française n’a de son côté pas encore atteint la maturité de son homologue américaine.

La pérennité de la presse en ligne, assurée par les abonnements n’est donc pas encore établie en France. En attendant, les journalistes cherchent, bricolent…

L’innovation

Face à la fronde des journaux en ligne qui se sentaient spoliés par Google, un fonds de 60M a été créé pour faciliter le passage de la presse papier à la presse en ligne. L’innovation est le critère d’obtention de ces financements. Ludovic Blecher, le directeur de ce fonds, reste très vague sur le type d’innovation ouvrant droit à ces aides. Il évoque le responsive design (site web adaptatif en français), mais il s’agit d’une innovation qui n’en est plus tout à fait une, il y a longtemps que les systèmes de gestion de contenu (CMS) intègrent cette problématique (la capacité de s’afficher sur tous les supports, téléphone, tablette, écran, …) sans avoir attendu le fonds Google-AIPG.

Ce fonds de 60M marque malgré tout le passage des aides de la presse papier vers la presse en ligne, sans que son efficacité ait encore été encore évaluée.

Les mêmes vieilles recettes

1- La publicité

Si certains journaux en ligne espèrent la mort de la presse papier, c’est en espérant récupérer au plus vite ses clients : les régies de publicité.

Rue89Strasbourg avec 120000 visiteurs uniques/mois et 0,4% de clics sur les bannières publicitaires a ainsi pu engranger 120000 euros sur l’année.

La presse quotidienne régionale ne parvient pas à copier ce modèle sur ses sites en ligne : les articles les plus consultés traitent de faits divers auxquels les annonceurs ne souhaitent pas forcément être associés.

2 – Les commerciaux

Hospimedia, journal en ligne qui s’est développé dans la niche de l’information destinée aux établissements de soin emploie 11 commerciaux. Le démarchage des clients occupe le tiers des employés d’Hospimedia, davantage que la presse papier qui doit investir dans la production et la distribution.

3 – La chasse aux abonnés

Mediapart fait figure de modèle en la matière. En 1 an son nombre d’abonnés est passé de 60000 à 80000. L’affaire Cahuzac, entretenue de nombreuses semaines, a apporté 10000 nouveaux abonnements, les techniques de marketing sont là pour faire le reste : essai de 15 jours pour 1 euro. Ce n’est pas la somme qui compte, mais le numéro de carte bleue. La reconduction de l’abonnement est automatique et le désabonnement semble plus difficile.

Quelle révolution ?

Si la presse doit connaître une révolution, elle touchera moins ses techniques commerciales que son contenu. Les réseaux sociaux ont entamé une révolution copernicienne où le commentaire supplante l’information elle-même, au point que « le commentaire vérifie l’information ». Si la presse en ligne ouvre déjà les commentaires aux articles, elle n’a pas encore trouvé la solution pour que « le poulailler en bas des articles » (dixit André Gunthert) produise du sens. Le journaliste devait hier mettre de l’ordre dans le monde, devra-t-il demain mettre de l’ordre dans les commentaires ?

Illustration : Pierre Chassagnard

6 réflexions sur “La presse est morte ! Vive la presse !”

  1. « Si la presse en ligne ouvre déjà les commentaires aux articles, elle n’a pas encore trouvé la solution pour que « le poulailler en bas des articles » (dixit André Gunthert) produise du sens. » —> Jolie inversion ; j’ai relu à plusieurs reprises cette phrase, car je ne pouvais m’empêcher de lire plutôt « ouvre les articles aux commentaires ». Quant à la suite, le(s) commentaire(s) produi(sen)t du sens, mais évidemment ce sens n’est plus journalistique, et il ne saurait être, jamais, le résultat d’une « solution » pensée et voulue par la presse. Il y a dans le flux foutraque des commentaires une « invisibilité limpide » où se côtoient les lapalissades, les injures, les assentiments solides et les réfutations bornées, mais aussi, et c’est là que cela se joue, les critiques bien plus fines, plus intéressantes que l’article lui-même dont elles dépècent la construction et pointent les faiblesses, car rédigées par des individus ayant davantage de matière que le rédacteur pour étayer le sujet ou étant cette matière elle-même…

    1. On pourrait être optimiste : la presse en ligne pourrait mettre en avant l’expertise de quelques lecteurs sur un sujet pointu. Mediapart et Rue89 tentent de sélectionner des commentaires pour les mettre en valeur, parfois ce sont les lecteurs eux-mêmes qui votent pour que des commentaires gagnent en visibilité
      Dans les faits, ce matin je découvre un article du Figaro où les commentaires de bistro, font l’info sur la fiscalité : https://www.lefigaro.fr/impots/2013/11/19/05003-20131119ARTFIG00423–une-fiscalite-plus-lisible-ca-ne-veut-rien-dire.php L’article aurait aussi bien pu s’intituler « De quel pied je me lève ? »
      J’attendrai demain pour l’optimisme.

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