Des droits aux devoirs, du consommateur au producteur, de Pennac au coup de Jarnac
1. Le devoir de ne pas écrire
Si tous les fieffés cerveaux bourrés d’idées s’étaient mis au travail, ils nous auraient déjà spoliés de tous les romans à venir. La procrastination est donc une nécessité au regard de l’histoire littéraire. Tout le monde ne doit pas être Hugo.
2. Le devoir de sauter des pages.
L’écriture du récit ne doit pas être linéaire. Stendhal a déjà fait de Julien un assassin dès les premières pages du Rouge et le Noir, même si le meurtre n’a lieu que dans les dernières pages. Un roman se commence par la fin.
3. Le devoir de ne pas finir un livre.
Parier sur l’imaginaire du lecteur, sa faculté à exploiter ses névroses. Miracle des Pensées, les disciples de Pascal ont eu le bon goût de laisser l’œuvre incomplète. Soyez généreux, pensez à la jouissance de l’exégète devant vos brouillons après votre mort.
4. Le devoir de se relire.
« Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée », la médiocrité quand même un peu aussi.
5. Le devoir d’écrire n’importe quoi.
Si le père Hugo ne s’était pas mis à faire tourner les tables à Guernesey pour convoquer Shakespeare et compagnie, pas certain qu’il se soit remis de la mort de sa fille.
6. Le devoir de flaubertiser (maladie textuellement transmissible).
Revendiquer sa place d’Idiot de la famille: tomber malade, arrêter ses études, se consacrer à l’écriture
7. Le devoir d’écrire n’importe où.
Le jeune Sollers commençait son premier roman en cachette, sur les bancs de l’école. Jean Genet écrivait en prison.
8. Le devoir de grappiller.
« Nous sommes des nains juchés sur des épaules de géants », pillons et grappillons pour faire oublier notre taille.
9. Le devoir d’écrire à haute voix.
Réservé à ceux qui n’auraient pas suffisamment flaubertisé, gueuloir recommandé .
10. Le devoir de se taire.
Qui a le plus de chances de passer à la postérité: le bavard Sollers ou le discret Kundera?
l’original [ici]