« Un SCANDALE, un vrai scandale. Me priver de ma liberté de photographier l’œuvre ! » Cette manifestation de colère d’un visiteur était adressée à l’un des gardiens de la Halle Saint-Pierre à Paris qui accueille l’exposition Hey! part II.
L’austère musée d’Orsay, passe encore, ça ne gêne que les japonais, mais ne plus pouvoir brandir son mobile dans le temple de l’Art brut… Être privé d’expédier le sempiternel « j’y suis » accompagné de sa trombine et de l’œuvre en arrière-plan, quel affront à nos libertés, quelle perte pour l’art.
Et si le plus grand malheur dans cette histoire était de ne pas accepter qu’une part du sacré, du spirituel, que semble tant réclamer le public, réinvestisse les musées. Si l’on doit resacraliser l’espace public, autant commencer par ces lieux de culture.
Avez-vous jamais vu les folles danses des soirs de Shabbat devant le mur des Lamentations en photo ? Vous permettrait-on de capturer l’âme d’un vieillard africain au pied de l’arbre à palabres ? Verrez-vous un jour un cliché de [censuré par le Vatican] ? Non, trois fois non. Accepter que le sacré, l’interdit vous entraîne hors de nos zones de confort, dans des contrées inconnues, voilà l’enjeu du voyage que propose un musée. Dans notre société saturée d’images, l’interdit a fini par développer un pouvoir attractif plus fort que le photo-reportage-carte-postale.
Je vous interdis donc de vous rendre à la Halle Saint-Pierre. Vous risqueriez d’y croiser des œuvres qui parlent davantage du monde que du nombril torturé de l’artiste, vous risqueriez d’y découvrir que l’art contemporain ne se résume pas à l’art pompier de Jeff Koons ou au merchandising usé de Ben, vous risqueriez enfin de parcourir plusieurs fois l’exposition votre mobile au fond de la poche. Les marchands du temple que vous trouverez à la sortie personne n’a jamais songé à les chasser. Ils vous proposeront le catalogue de l’exposition si vous ne supportez pas de ne repartir qu’avec vos souvenirs.
Point complet sur le problème : Un nouvel interdit au musée : la photographie ? (La lettre de l’OCIM)
photo : Joconde – The tourist way par reinsafe/Flickr