Lors d’un débat entre Régis Debray et Edgar Morin animé par Jean-Michel Blanquer à l’Institut du Monde Arabe, Régis Debray faisait paradoxalement l’éloge du « Croire », à rebours du chemin intellectuel qu’ont suivi ces deux personnalités revenues de leurs croyances révolutionnaires.
Nous ne parlons bien que des croyances que nous n’avons plus. Il n’y a que les curés qui conjuguent le verbe croire à l’indicatif, la croyance est à fuir pour les intellectuels, par complexe de supériorité. Mais je suis en dette vis à vis de la croyance.
J’aime la croyance pour 3 raisons :
- La croyance est toujours tournée vers l’action, c’est une fertilité. Le sage reste dans son bureau, mais le croyant descend dans la rue. L’incroyance est le luxe des légumes.
- La croyance est tournée vers l’autre, il y a des communautés de croyant. On se met à croire en besoin d’appartenance, il arrive même qu’on se monte le cou pour être dans le coup. Croire c’est rentrer dans l’orchestre.
- La croyance est tournée vers l’avenir, ça dessert l’étau du présent, c’est du différé, on s’arrache au donné pour parier sur un avenir.
Aujourd’hui on n’attend plus grand chose, on ne prend plus de risque, on ne se tient plus les coudes : 3 caractériqtiques du tps présent liées au discrédit de la croyance. L’effritement civique, le repliement gestionnaire, l’effondrement des élans utopiques sont liés à l’assèchement des croyances.
Sans être ni dévot, ni crédule, la croyance c’est de la politique : l’espoir, le groupe, l’annonce d’un futur. Quand la croyance politique n’est plus religieuse, la croyance religieuse devient politique. Le prophète, le gourou reviennent à la politique.
La démonstration paradoxale de Régis Debray comprend les éléments de sa propre réfutation : Debray fait lui-même le constat que tous les grands révolutionnaires étaient de sages lettrés, Debray dénonce également le terroriste islamiste dont la croyance est tournée vers une félicité tournée vers l’avenir puisque post-mortem, Debray s’amuse enfin de celui qui croit pour rentrer dans l’orchestre. Ce dernier point sera sans doute un des grands sujets des années à venir : les réseaux sociaux amplifient considérablement les phénomènes de groupes dont les membres sont enfermés dans des bulles idéologiques. Bulles dont il est peut-être plus difficile de sortir aujourd’hui : les bulles filtrantes berçant les militants dans leurs certitudes sont plus fortes aujourd’hui que dans les années 50 quand les intellectuels se décillaient sur la vérité de l’URSS.