Love de Toni Morrison
Comme dans Beloved, qui lui valut le Pulitzer, elle fait appel à la figure du fantôme, figure du poids du passé sur le présent. Vécu comme un poids ou comme une force dans Beloved, le fantôme du passé n’est plus une petite fille mais un homme. Cet homme autour duquel gravitent des femmes qui se disputent l’amour du grand-père, l’amour du mari qui a l’âge du grand-père… C’est donc la haine, une des variantes de l’amour, qui mènera Heed et Christine à se déchirer.
Mais comme à son habitude, Toni Morrison traite de cette histoire d’amour avec comme arrière-plan la condition des noirs aux États-Unis. Elle peint leurs misères, mais aussi leurs bassesses. L’auteure de recule pas devant les critiques de ce que les américains nomment sans aucune gêne, sa communauté raciale.
La critique est formulée lorsque Christine fréquente le milieu des étudiants noirs américains. Elle tient à ce que soit dénoncé le viol d’une amie, mais le leader du groupe affiche d’autres priorités.
Christine avait pris la mesure de l’équation raciale : la violée est noire et le violeur est blanc, ou bien les deux sont noirs, ou bien les deux sont blancs…
À la lumière de l’actualité judiciaire, ce leader pourrait prendre les traits d’un Kenneth Thompson, avocat de Diallo, qui n’hésite pas à jouer la carte de la confrontation des communautés pour défendre sa cliente.
Même si Love n’a pas la force de Beloved, Toni Morrison parvient à éclairer un pan plus récent de l’histoire américaine : l’après-guerre.