Hugo « taille une pièce de fun »

victorhugoBien avant le Fight Club, il y eut le Fun Club, décrit par Hugo dans L’Homme qui rit. Si, en 1869, les français commencent à être familiers de l’humour anglais, le fun en revanche est plus exotique et le restera encore longtemps.

Il y avait le Fun Club. Fun est, comme cant, comme humour, un mot spécial intraduisible. Le fun est à la farce ce que le piment est au sel. Pénétrer dans une maison, y briser une glace de prix, y balafrer les portraits de famille, empoisonner le chien, mettre un chat dans la volière, cela s’appelle «tailler une pièce de fun.» Donner une fausse mauvaise nouvelle qui fait prendre aux personnes le deuil à tort, c’est du fun. C’est le fun qui a fait un trou carré dans un Holbein à Hampton-Court. Le fun serait fier si c’était lui qui avait cassé les bras à la Vénus de Milo. Sous Jacques II, un jeune lord millionnaire qui avait mis le feu la nuit à une chaumière fit rire Londres aux éclats et fut proclamé roi du fun. Les pauvres diables de la chaumière s’étaient sauvés en chemise. Les membres du Fun Club, tous de la plus haute aristocratie, couraient Londres à l’heure où les bourgeois dorment, arrachaient les gonds des volets, coupaient les tuyaux des pompes, défonçaient les citernes, décrochaient les enseignes, saccageaient les cultures, éteignaient les réverbères, sciaient les poutres d’étai des maisons, cassaient les carreaux des fenêtres, surtout dans les quartiers indigents. C’étaient les riches qui faisaient cela aux misérables. C’est pourquoi nulle plainte possible. D’ailleurs c’était de la comédie. Ces mœurs n’ont pas tout à fait disparu.
Sur divers points de l’Angleterre ou des possessions anglaises, Guernesey par exemple, de temps en temps on vous dévaste un peu votre maison la nuit, on vous brise une clôture, ou vous arrache le marteau de votre porte, etc. Si c’étaient des pauvres, on les enverrait au bagne; mais ce sont d’aimables jeunes gens.

L’homme qui rit, Victor Hugo

Pour résumer, le fun d’après Hugo c’est

(farce)10
une affaire de classe : les aristos se payent des miséreux
une entreprise de BTP spécialisée dans la démolition
des artistes d’avant-garde tendance dadaïste

Les nouveaux aristos, nouveaux parvenus, prennent encore parfois des transgressions sans péril pour le comble du bon goût avant-gardiste.
La preuve en action : Demolition Party de l’hôtel Royal Monceau
Sans se soucier du personnel de l’hôtel en grève, les people étaient venus s’ébrouer, coupe de champagne ou marteau à la main, dans « the place to be » d’un soir.

Les vidéos [ici]

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