Le livre de Dave
Will Self
L’auteur, Will Self, s’est donc appuyé sur La Bible dévoilée, essai qui qui met à jour les enjeux politiques de l’Ancien Testament, pour traiter à sa façon du problème de la religion et du fondamentalisme. Ainsi, sur le modèle de Bradbury et de ses Chroniques martiennes, l’ère davinique apparaît comme notre société, assez déformée pour laisser place au comique, et assez semblable pour y poser des questions sur les sujets aussi larges que l’éducation, les relations humaines, l’élevage, la justice, … Dans cette société où la roue a remplacé la croix comme symbole religieux, où les prêtres arborent des plaques d’immatriculation et où le pare-brise désigne le ciel, la vie du chauffeur de taxi sert de calque pour chaque pan de la vie des habitants de ce nouveau monde, jusque dans le langage.
Le glossaire situé dans les dernières pages permet de lever les premières difficultés de compréhension du roman. Lorsque les homos désignent les célibataires, une piaule-à-connard un palais ou les tarifs les différents moments de la journée, le glossaire n’est pas superflu. Ce travail sur le langage va à contre-courant des récits de science-fiction dans lesquels s’installe un langage universel : l’anglais contemporain (ce que l’auteur critique comme «la convention Star-Trek»). Will Self a voulu retrouver une langue anglaise exempte des apports récents de langues tels que le français. Il a trouvé dans le cockney -un argot londonien- matière à créer un langage primitif, qui dans la traduction française donne un mélange d’argot et de langage SMS :
Tan, arjan, distances. Elle montra du doigt le cadran : Le tan de Dave – pa l’nôte. L’arjan de Dave – pa le vôte. Les distances de Dave – son chem1 pour Niou London ! Puis elle s’en prit à Böm : Alor, kroyévou donc en Dave, Böm ? cracha-t-elle.
Le plus intéressant reste le récit du développement de la religion davienne, de ses schismes, de ses orthodoxies, des lectures successives et contradictoires du texte sacré que sont les plaques de métal que Dave a enterrées dans le jardin de son ex-épouse. Tous les problèmes et controverses religieux sont traités, que ce soit un sujet périphérique comme l’abattage rituel des animaux, ou des préoccupations plus historiques comme la terre sacrée, et l’établissement d’une nouvelle Jérusalem, le Niou London. Le but avoué du roman est de rendre compte des religions, de leur histoire, non pas en mettant à l’index les problèmes constitutifs d’une religion, qu’elle soit chrétienne, musulmane ou juive, mais plus largement en rendant compte de ces enjeux religieux comme des enjeux liés au développement des civilisations.
photo : London Eye / Flickr