L’Europe des écrivains unis dans la diversité

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Suite à une tribune publiée dans l’ensemble de la presse européenne, sept intellectuels se réunissaient autour du thème « Europe ou chaos ? ». Leurs prises de parole révèlent les non-dits du texte paru dans la presse : tous ces intellectuels nés au milieu du XXe siècle ont centré leur œuvre sur la catastrophe, le danger de la guerre. L’Europe, objet politique si naturel pour les plus jeunes, paraît encore un acquis fragile à préserver pour ces intellectuels européens.

Bernard-Henri Lévy – Le populisme et les nationalismes sont de retour, y compris dans les berceaux de l’Europe, La Grèce et l’Italie, les deux épicentres de la crise.
C’est un projet politique qui manque à l’Europe, sans projet autre qu’économique, l’euro ne survivra pas.
De tous les projets universels qui ont tenté de « faire monde » (la Révolution, la colonisation, le capitalisme), seul l’universel européen a permis d’apporter paix, prospérité et démocratie.
Les financiers sont les nouveaux haruspices (devins qui examinaient les entrailles des animaux) face auxquels de nouveaux archontes (magistrats athéniens) doivent reprendre le pouvoir.

György Konrád – Après les guerres nationales du XIXe puis les guerres mondiales du XXe siècle, les européens ont toujours la tentation de créer de nouvelles dualités au sein même de l’Europe : Les pays du Nord contre ceux du Sud ou bien l’Est contre l’Ouest. Ce sentiment de se sentir victime de ses voisins est une maladie de l’esprit. Il faut la combattre avec l’ironie.

[Mon avis : Nier les rapports de force au sein de l’UE serait le meilleur moyen de voir les rancœurs se développer. Les désaccords doivent aussi être exprimés]

Umberto Eco – Depuis l’empire romain jusqu’en 1945 les européens n’ont cessé de se faire la guerre. Nous vivons en paix seulement depuis 68 ans.
L’Amérique déserte l’Europe et s’intéresse à présent davantage à l’Asie. Nous sommes donc condamnés à nous retrouver et à reconnaître nos racines communes : l’Europe a toujours su assimiler les cultures étrangères et en a fait son identité.
Le sentiment européen vit seulement parmi les élites intellectuelles, il doit être davantage propagé dans nos cultures populaires à l’aide de nos héros européens (Byron, Garibaldi, …)

[Mon avis : Paradoxalement il semble que les élites soient porteuses des valeurs nationales quand les cultures populaires soumises à la mondialisation convergent vers une culture commune]

Hans Christoph Buch – Élevée dans un sentiment de culpabilité, la réconciliation franco-allemande a été vécue comme un soulagement par la génération allemande de l’après-guerre. L’utopie européenne doit se réaliser à travers l’économie de marché, la solidarité sociale, l’unité politique, une politique extérieure commune combinée avec la diversité culturelle de ses membres et la démocratie.

Juan Luis Cebrián – appartient à la génération pour laquelle l’Europe n’était pas le problème mais la solution. Aujourd’hui il fait face au scepticisme des nouvelles générations. Erasmus est un modèle pour les étudiants, pourquoi ne pas l’appliquer pour le travail ? L’Europe devra également résoudre son déficit démocratique, et réguler ses marchés.

[Mon avis : Combien de temps l’Espagne acceptera-t-elle de payer pour former sa jeunesse qui va s’expatrier en Allemagne faute de trouver du travail dans son pays ?]

Peter Schneider – L’euro a dévoré l’Europe. L’Europe est beaucoup plus grande que sa monnaie qui n’est pas le centre de sa culture.
La civilisation européenne est la plus noble : elle abrite le capitalisme le plus moderne et le plus social au monde (la moitié des prestations sociales sont versées en Europe)
Si l’Europe a été capable de crimes et perversités, aujourd’hui elle se fonde sur la tradition des Lumières. Mais une Europe soumise à la dictature de la finance sans le contrôle des citoyens ne peut fonctionner

Julia Kristeva – La culture sauvera l’Europe, elle peut être une voie cardinale pour la fédéralisation européenne.
Quand la culture a été un culte, elle est devenue criminelle et barbare. En Europe, la question de l’identité n’est plus un culte, elle est soumise constamment à interrogation. Les européens doivent être fiers de la problématisation de leur identité qui est à présent un de leurs traits : nous sommes porteurs d’une identité inachevée, en constante métamorphose.
L’Europe a l’autre caractéristique de travailler avec deux notions de liberté : celle de la libre initiative (adaptation aux normes) et celle de révolte (interrogation, libération).
Enfin, la civilisation européenne est la seule à avoir entamé un processus de sécularisation. Mais nous ne devons pas oublier que la crise de la foi a entraîné une crise de civilisation. L’adolescent est un croyant qui balance entre idéalisme et nihilisme. Le danger est que cet affaiblissement des croyances chez l’adolescent l’entraîne vers l’intégrisme. Il faut donc offrir au monde de nouvelles façons de croire.

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