Dans un coin de La Villette, à Paris, se cache une plaque commémorative à laquelle on a dû retrouver un mur après la destruction des boucheries et des entrepôts du quartier dans les années 70. C’est entre deux grands pylônes en béton, sous un immeuble qui jouxte le parc de La Villette que se trouve aujourd’hui cette plaque où se rencontrent ironiquement la petite et la grande Histoire :
La boucherie en gros reconnaissante aux morts de la grande boucherie de 14-18…
– Tu t’rappelles, la bonne femme de la ville où on a été faire une virée, y a pas si longtemps d’ça, qui parlait des attaques, qui en bavait, et qui disait : « Ça doit être beau à voir !… »
[…]
« C’est tout à fait comme si une vache disait : « Ça doit être beau à voir, à La Villette, ces multitudes de bœufs qu’on pousse en avant ! »
Le Grand Guignol et le langage des tranchées sont déjà présentes chez Barbusse, bien avant le Voyage au bout de la nuit de Céline. Cependant subsistent les accents naturalistes et parfois tragiques d’un Zola lorsqu’il s’attarde sur un groupe de soldats :
Ce ne sont pas des soldats : ce sont des hommes. Ce ne sont pas des aventuriers, des guerriers, faits pour la boucherie humaine – bouchers ou bétail. Ce sont des laboureurs et des ouvriers qu’on reconnaît dans leurs uniformes. Ce sont des civils déracinés. Ils sont prêts. Ils attendent le signal de la mort et du meurtre ; mais on voit, en contemplant leurs figures entre les rayons verticaux des baïonnettes, que ce sont simplement des hommes.