Jorge Semprún connaissait bien tous les recoins de Paris, y compris les locaux de la Gestapo dont il eut les honneurs d’une visite forcée. Semprún parcourut Paris comme résistant et comme esthète, armé de sa culture dont il usa en déportation et dans ses combats politiques.
30 ans après la guerre, revenu dans le monde des vivants, c’est avec une douce ironie qu’il prête sa culture à Marc, personnage de Netchaïev est de retour, cette fois comme arme de séduction :
Marc avait fini par l’amener chez lui, place du Panthéon, après un long périple à travers Paris.
Il lui avait fait le coup des passages, bien sûr. Quand ils sont cultivés et qu’ils ont du temps à gaspiller – à investir du moins dans des entreprises érotiques pas forcément rentables dans l’immédiat –, les hommes vous font toujours le coup des passages parisiens, s’était dit Fabienne. En alternance avec celui des bars discrets dans des hôtels de luxe pas tapageurs. Il en reste encore : celui du Meurice pourrait servir d’archétype. Les passages, en tout cas, sont passionnants, il y en a qui sont encore fort beaux. Et puis, seigneur, c’est fou ce que ça facilite les allusions littéraires de qualité, qui permettent à nos soupirants de faire la roue ! D’Aragon à Julio Cortázar, en passant, c’est le cas de le dire, par Walter Benjamin, il y a de quoi briller.
Fabienne s’en était laissé conter par Marc, ce jour-là, avec juste le brin d’ironie qui lui permettait de faire comprendre qu’elle n’était pas dupe. Il n’empêche, elle avait eu plaisir à revoir le passage Véro-Dodat, l’un de ses préférés.
Dans la vitrine d’un antiquaire, il y avait des singes qui faisaient de la musique. Du violon, pour être précis. Des singes automates jouaient une musique aigrelette, évanescente et nostalgique.
Sinon vous pourrez toujours faire le paon passage Choiseul, et briller en évoquant l’enfance de Céline (Louis-Ferdinand hein, l’autre, ce ne serait plus brillant, ce serait dangereusement clinquant). Ou plus simplement vous installer dans une de ces accueillantes maisons de thé à l’étage desquelles vous pourrez apercevoir, en face, le charme des petits ateliers qui semblent s’être mis à l’abri du temps qui passe, réfugiés sous les verrières « évanescentes et nostalgiques ».