Les médias ont tenu à comparer le mea culpa de Dominique Strauss-Khan à celui, plus ancien, de Bill Clinton. Allons au bout de l’exercice et comparons les réactions des populations de part et d’autre de l’Atlantique.
Philip Roth décrit avec acuité et clairvoyance dans La tâche l’hypocrisie puritaine qui a pu régner aux États-Unis en 1998 :
L’été où […] on éventa le secret de Bill Clinton jusque dans ses moindres détails mortifiants, plus vrais que nature, l’effet-vérité et la mortification dus l’un comme l’autre à l’âpre précision des faits.
Fidèle à cette tradition américaine mortificatrice, Kenneth Thompson, l’avocat de Nafissatou Diallo, nous a livré tous les détails intimes de sa cliente à la sortie du tribunal :
Philip Roth poursuit :
Mais en Amérique en général, ce fut l’été du marathon de la tartuferie : le spectre du terrorisme qui avait remplacé celui du communisme […], laissait la place au spectre de la turlute ; un président des États-Unis, […] et une de ses employées,[…] avaient rallumé la plus vieille passion fédératrice de l’Amérique, son plaisir le plus dangereux peut-être, le plus subversif historiquement : le vertige de l’indignation hypocrite.
En France, un scandale sexuel condamnait les problèmes sociaux à être ignorés et avant même de savoir de quelle nature était la relation (agression ou relation consentie) des indignés (Bernard Debré en tête, Michel Rocard un peu à la traîne) venaient exposer leur indignation face à une sexualité qui les dépassait.
Au congrès, dans la presse, à la radio et à la télé, les enfoirés de la vertu majuscule donnaient à qui mieux mieux des leçons de morale, dans leur soif d’accuser, de censurer et de punir, tous possédés par cette frénésie calculée que Hawthorne avait déjà stigmatisée à l’aube de notre pays comme « génie de la persécution » ; tous mouraient d’envie d’accomplir les rites de la purification astringents qui permettraient d’exciser l’érection de la branche exécutive […]. Non, si vous n’avez pas connu 1998, vous ne savez pas ce que c’est que l’indignation vertueuse. L’éditorialiste William F.Buckley, conservateur, a écrit dans ses colonnes : « Du temps d’Abélard, on savait empêcher le coupable de recommencer »
Plus loin le même éditorialiste ira jusqu’à parler d’« incontinence charnelle » : Bernard Debré a bien sa place chez les journalistes américains.
En Amérique, cet été-là a vu le retour de la nausée ; ce furent des plaisanteries incessantes, des spéculations, des théories, une outrance incessantes ; […] la petitesse des gens fut accablante au-delà de tout ; un démon venait de rompre ses chaînes, et, dans les deux camps, les gens se demandaient : « Mais quelle folie nous saisit ? »
Nous avons eu notre été 2011 français, nous savons à présent ce qu’est l’indignation vertueuse.
Image : American Gothic de Grant Wood