Nous avons été nombreux à céder à la mode de la dernière religion, le développement durable. En extase devant le très sentencieux Home de Yann Arthus-Bertrand, aboyant sur quiconque avait le mauvais goût de mal trier ses déchets, nous avons été de petits Torquemada « Comment peut-on ne pas être éco-citoyen ? ». Ces gestes destinés à entretenir le culte nous dissuadaient de nous poser des questions plus globales sur les véritables responsables de la pollution à l’échelle mondiale ou sur la scientificité des arguments dont nous étions bercés.
Nous nous sommes complu dans le confort de certitudes intellectuelles, chacun y trouvait son compte. L’artiste ne pouvait être accusé de balourdise, il était éco-citoyen, celui qui voulait vivre sa vie de moine évoquait sa sobriété énergétique. D’autres, comme à Notre-Dame-des-Landes, poursuivent leur chemin de Damas et se radicalisent, tantôt en cachant leur peu de goût pour la démocratie derrière la défense du genre humain, tantôt en dissimulant leur penchant pour la Terreur sous couvert de protection de la nature.
Nous aurions pourtant tort de croire que le succès de ce culte tient à la foi du charbonnier (ou du bon recycleur, c’est selon). Ses adeptes sont instruits et cultivés. L’auteur du pamphlet et son ami Vincent sont tous deux Centraliens. Mais seul l’un d’entre eux, fils d’un dissident russe, a été alerté par les échos totalitaires qui résonnaient dans la culture de masse du développement durable.
Comme au héros de La Plaisanterie de Kundera, on pourra reprocher à l’auteur son manque de sérieux face à la gravité de ses adversaires, mais c’est la force du rire que de dévoiler leurs excès, Iegor Gran dût-il lui-même y avoir recours.
* allusion à « Nous l’avons tant aimée, la Révolution » de Daniel Cohn-Bendit